Effets économiques du monopole

Monopole et inefficacité

Argument fondamental

L'analyse des prix et quantités choisies par le monopole dans la section précédente montre que le monopole choisit un prix supérieur à son coût marginal et une quantité inférieure à celle qu'il choisirait en situation de concurrence. Le monopole produit donc trop peu et trop cher. Il est donc moins efficace qu'un ensemble d'entreprises en concurrence parfaite produisant le même bien, il alloue de façon inefficace les ressources.

La différence entre le prix de vente Pm et celui du marché concurrentiel Pc est une mesure de la rente perçue par le monopole, en d'autres termes de son pouvoir de monopole. Pour cette raison, l'idée prévaut chez certains libéraux que le monopole est systématiquement inefficace, qu'il n'existe qu'à cause d'une restriction aux lois normales de la concurrence qu'il faut éliminer.
Limites

Cette idée, appuyée par des exemples de rupture volontaristes de monopoles ayant conduit à une baisse des prix (la téléphonie aux États-Unis après la décision de démantèlement d'AT&T), doit cependant être nuancée à la lumière de la diversité des marchés.

Le présent article a ainsi fait allusion au cas du monopole naturel, où la duplication d'une infrastructure essentielle entraînerait l'emploi inefficace de ressources. L'économiste Joseph Schumpeter a par ailleurs mis en évidence un lien entre les rentes de monopole et la capacité à investir dans la recherche et développement.
Sur un autre plan, la théorie des marchés contestables suggère en outre que la menace de l'entrée suffit à limiter l'inefficacité du monopole, tandis que le concept de la concurrence monopolistique montre que la constitution de spontanée de monopoles est un phénomènes difficilement évitable en présence d'information imparfaite.

Monopole et innovation

Dans le cadre de la concurrence parfaite, les entreprises font un profit nul. On peut alors se demander comment elles peuvent financer des activités non immédiatement productives, comme la recherche et développement. C'est ainsi que l'économiste Joseph Schumpeter fit remarquer en 1942 dans Capitalisme, Socialisme et Démocratie que les principales innovations étaient dues non pas à des entreprises soumises à une forte concurrence, mais à des monopoles. Son argument repose sur l'idée que seuls les monopoles disposent de profits positifs, qui leur servent à financer ces activités dans l'espoir d'entretenir leur avance technologique et leur pouvoir de monopole.

Dans le cadre de la concurrence parfaite, cette explication n'est pas recevable. En effet, si les marchés financiers étaient parfaits, il se trouverait nécessairement quelqu'un pour financer un projet de recherche présentant une espérance de gain positive. Cet argument n'est cependant pas robuste à l'existence d'imperfections d'information. En effet, la rentabilité d'un projet de recherche et développement est très incertain et difficile à évaluer. L'entreprise proposant le projet dont donc le plus souvent engager des ressources propres, ce qui n'est possible qu'avec des profits positifs. De plus, la recherche fondamentale a des horizons de rentabilité très longs, difficilement compatibles avec les contraintes s'exerçant sur les marchés financiers actuels.

C'est ainsi que la période récente voit la coexistence de deux modèles de recherche et d'innovation. Le premier est une innovation de type schumpétérien, faite de découvertes majeures financées par de grands monopoles appuyés sur la recherche publique, tandis que le développement sur des applications particulières de ces decouvertes est réalisée par de petites entreprises (start-ups - jeunes pousses) appuyés par des fonds de capital-risque.

On peut enfin noter que le système du brevet repose sur l'idée de garantir à l'innovateur un monopole sur la fabrication de son produit en échange de la publication de son procédé. Cela veut dire que la rente de monopole est utilisée comme incitation financière à l'innovation.

Théorie des marchés contestables

La théorie des marchés contestables repose sur un argument unique : si un monopole fait des profits, il doit exister des entreprises voulant entrer sur le marché pour prendre une partie de ces profits en vendant un peu plus et moins cher que le monopole en place. Dans sa version extrême, cette théorie affirme donc que la menace que fait peser cette entrée potentielle oblige le monopole à se comporter comme s'il était effectivement en concurrence parfaite, et à vendre au coût marginal. Le monopole ne se distingue alors plus de la situation de concurrence.

Cette théorie a initialement été proposée par W. J. Baumol, J. Panzar et B. Willig dans Contestable Markets and the Theory of Industry Structure, Harcourt Brace, New York, 1982.

En pratique, entrer sur un marché est coûteux (coûts fixes). Un entrant potentiel ne va donc entrer que s'il espère faire des profits supérieurs à ces coûts, ce qui ne sera pas possible si le monopole en place l'oblige à une guerre des prix qui conduit les deux entreprises à vendre au coût marginal. La pression concurrentielle potentielle dépend donc de l'ampleur des coûts fixes et de la crédibilité de la menace de guerre des prix (une fois le nouveau entré sur le marché, le monopole peut avoir intérêt à partager la rente avec lui plutôt que de faire la guerre).

Empiriquement, cette théorie explique un phénomène récurrent observé lors de l'ouverture à la concurrence d'un marché où agissait un monopole : on constate que le monopole baisse ses prix avant qu'aucune autre entreprise ne soit entrée sur le marché. Il signale ainsi sa volonté et sa capacité à engager avec un entrant une guerre des prix plutôt que de partager la rente.

Catégorie :
Strategie
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Date de publication :
5 mai 2006